22 euros, c'est la somme qu'il faut débourser pour faire suivre son courrier lorsqu'on change de domicile. J'étais bien étonné lorsque le postier me demand cette somme. La dernière fois que j'avais fait suivre mon courrier pour cause de déménagement remontait à 9 ans. Cet employé des postes, bon prince, m'a même indiqué que ce service était devenu payant depuis 4 ou 5 ans. Combien d'heures de SMIC faut-il pour pouvoir faire suivre son courrier, et est-ce que le service s'est amélioré depuis qu'il est payant ? Peut-on se dispenser, lors d’un déménagement de faire suivre son courrier ? Non. Alors c’est un service essentiel. C’est sans doute la raison pour laquelle la poste fait payer cher ce service auquel on ne peut échapper.

Nous sommes régulièrement informés de l'augmentation du prix du timbre, et il y a des experts pour disserter sur la chose. Je n'ai pas remarqué que les augmentations des autres services de la poste aient fait l'objet d'information. Pourtant la poste n'y est pas allée de main morte.. Le colissimo est cher, si on souhaite un avis de réception il devient très cher. La lettre recommandée est chère.

Ma grand-mère paternelle vivait avec une toute petite retraite dans le Lot-et-Garonne. Son plaisir, sa fierté, c'était de nous envoyer de temps en temps un colis de pruneau d'Agen. Dans la nouvelle société qui se construit sous nos yeux, au nom de l'efficacité, les grand-mères de peu de sous et grand cœur ne pourront plus envoyer de pruneaux ou autres friandises. Le cadeau devient impossible puisque l'envoi coûte plusieurs fois le prix du cadeau. Bien sûr, il y a des pruneaux dans tous les magasins de tous les pays développés. Il y e a même des pruneaux sans noyaux !

Ma grand-mère maternelle avait une grande maison à la campagne où nous retrouvions entre cousins tous les étés. De son jardin venaient pommes, poires, pêches, prunes et autres fruits. Nous participions à la récolte, non sans prélever la juste dîme. Beaucoup de ses fruits finissaient en confiture. Comme toute les grand-mères la mienne avait mis ses recettes au points, et pour tout dire je considérais que ses confitures étaient les meilleures, surtout celle des pêches en quartier. Lorsque j'étais pensionnaire elle m'envoyait régulièrement des boîtes de confiture de pêche, boîtes qu'elle avait fait sertir chez le quincaillier du village, et stérilisées dans la « lessiveuse ». Dans la nouvelle société qui se construit à coup de réformes et concurrence, les grand-mères n'enverront plus de confiture, car le coût de l'envoi dépasse de beaucoup celui de la confiture. Bien sûr il y a des confitures de toutes sortes dans tous les magasins des pays développés, il y en a même qui ont pris grand-mère pour nom de marque.

Il n’y avait pas que les grand-mères qui envoyaient des colis. Quiconque a été pensionnaire dans les années 60 sait que dans chaque lycée, chaque école, chaque jour voyait son lot de colis arriver.

Colis chargés des intentions de l’expéditeur, des odeurs de la famille, du parfum de la petite amie, colis médiateurs. Si vous saviez le plaisir que c'est d'envoyer un colis, si vous saviez le plaisir que c'est de recevoir un colis. Si vous saviez combien la confiture et les pruneaux contribuent à la création de liens, combien ils entretiennent l'affection, combien ils forgent la solidarité intergénérationnelle. Nostalgie ? Non, je me demande seulement pourquoi nous détruisons avec une telle application ce qui faisait nos liens, alors que nous interrogeons en permanence sur le délitement du lien. Que vaut une société qui s’applique à détruire ce dont elle constate amèrement la disparition ?