Cher Clément,
J’ai
suivi avec un très grand intérêt tes analyses sur la Tailleuse de
pierres. Il est très important pour un artiste que son œuvre soit
comprise, d’une part dans l’acte qu’il a voulu exprimer et, d’autre
part, qu’elle puisse inspirer d’autres idées à ceux qui la regardent.
Et quand un autre artiste comme toi, cher Clément, dans ta science
consommée de tailleur de mots, tu tailles et retailles cette image en
en faisant un nouveau symbole d’inspiration, avec de nouvelles et
multiples sensations, comme celles qui s’offraient au contemplateur
admirant un grain de blé dans les « Mystères d’Eleusis » et qui pouvait
voir dans ce grain de blé toute la vie qu’il contenait en même temps
que les possibilités d’éternité quand il était enfoui en terre, sa
résurrection par la germination et sa transformation en épi doré (vie,
mort et résurrection étant le mouvement perpétuel de l’existence)...
Mais ne perdons pas le but qui m’a inspiré cette composition. Le titre
du tableau porte en lui les éléments de l’intérêt qui ont appelé toutes
tes réflexions (réflexions aussi dans le sens de reflets renvoyés par
un miroir et qui peuvent évoluer selon la lumière du jour qu’il reçoit, sa période de travail s’échelonnant
de midi à minuit le tableau comporte donc en lui la lumière de midi et celle du soir). La Tailleuse est assise sur un cube, qui est la
pierre cubique,
symbole de la maîtrise de son art, et plusieurs pensées m’ont habité au
moment de la composition du sujet, et elles-mêmes m’ont conduit à de
multiples croisements d’idées dans mon subconscient. D’une part, la
Tailleuse de pierres se repose-t-elle sur ses lauriers en attendant le
salaire qui lui est dû pour qu’elle puisse partir contente et
satisfaite , et d’autre part peut-on se reposer sur ses acquits et
aspirer au repos, ou plus simplement s’appuyer sur l’acquit,
l’expérience et la connaissance pour aller plus loin ? Tous les choix
sont possibles mais le travail à accomplir est immense. C’est là
l’entrée en scène du gros bloc de pierre qui symbolise tout le travail
à accomplir. C’est pourquoi, s’appuyant sur une assise solide et
utilisant la force de ses muscles, elle n’aspire plus au repos et
recommence le travail pour que de ce
bloc brut surgisse un nouveau chef-d’oeuvre...
Amicalement,
Rodolphe.
à 14:44