Rodolphe prend une toile vierge et trace
au crayon les grandes lignes de son projet. L’intention est ironique.
Ce peintre, ami de Clément, veut brocarder la profession de tailleur de
pierres dont les prétentions artistiques occultent parfois la mission
sociale des ouvriers du bâtiment. Il est prêt à lancer son message
droit dans le regard de ses frères travailleurs. Pour cela, il a chargé
son roseau de peinture noire. Le voici qui pénètre, sûr de son geste,
dans la toile, par son côté gauche. La technique qu’il a adoptée
l’oblige à entrer latéralement dans le tableau afin de bien contrôler
la coulée de peinture. Mais soudain le roseau lui échappe... L’ironie
de départ se retourne contre elle-même. Le pinceau de l’imaginaire se
moque cruellement du roseau phallique de la pénétration technique. Il
en fait même la caricature satirique. Regardez cette espèce de faune
noir, lubrique, ricanant et baveux, qui pervertit l’entrée obligée en
la transformant en sortie turgescente de pénis. Rodolphe exerce alors
avec juste raison son pouvoir d’autocensure. Il pense que tout cela
disparaîtra sous la lisière gauche de la marie-louise lors de
l’exposition du tableau.
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