Clément a eu, voici longtemps, la chance d’accompagner Nietzsche qui, comme Zarathoustra, quittait sa grotte à minuit,
gravissait douloureusement l’Engadine, et attendait l’aurore au sommet.
Il descendait ensuite vers l’Italie et Nice, à la rencontre des hommes,
qu’il écoutait avec attention. Il les écoutait avec la ferme intention
de les comprendre. Il ne déclarait justes leurs mots qu’après en avoir
fait lui-même un examen approfondi, en toute liberté de conscience. Il
prenait enfin la plume pour transmettre son gai savoir, qu’il
adressait, riant et dansant, à tous et à personne. Savoir qui n’était
pas celui d’un génie ou d’un messager divin, mais celui d’un maître qui
a beaucoup travaillé pour atteindre la maîtrise, et qui incitait les
autres à devenir suprahumains comme lui. Combien de propos l’a-t-il
entendu lui tenir sur la notion de travail, d’ascèse et de ténacité,
nécessaires à l’accomplissement personnel. Gardez-vous de parler de
dons naturels, de talents innés, disait-il. Le don, c’est une somme
d’expériences, d’exercices, d’appropriations, d’assimilations, d’études
antérieures qui remontent au temps de nos pères, ou plus loin encore !