FINI DE RIRE
Rabelais joue, pour rire, avec les mots et les choses :
pareil à Gargantua-enfant, il est «assis entre deux selles»
(Pantagruel, I, XI) et toujours entre deux vins. Le rire
s'installe dans les marges, là où les choses sont à la fois habituelles
et imprévisibles : Gargamelle commence à se porter mal du bas mais
l'enfant «sort par l'oreille senestre» (L, VI). Choses unes et
disparates comme le tarande acheté par Pantagruel en l'île de Médamothi
(IV, II). Mobiles et fixes comme les chemins de l'île d'Odes (V, XXVI).
Son rire surgit de l'écart entre le signe et le fait désigné : Trudon,
joueur de tambourin, après avoir reçu un grand coup de poing se fâche
de ce qu'on lui a
movrambouzevezengouzequoquemorgeratasacbacguevinemaffressé son pauvre
oeil (IV, XV). Le rire éclate dans les (bons) tours faits par des
sarabandes moqueuses de phonèmes hétéroclites autour des valeurs
instituées : le Fou (III, XXXVIII), la Librairie Saint-Victor (II,VII),
le Carême (IV, XL), le frère conseilleur (III, XXVI) et bien d'autres…
Mais le désordre n’est pas très loin, il est tout proche, ici même,
quand tout à coup le signe se décroche du signifié et se met à naviguer
tout seul, sans référence, sans amer. Alors là c’est fini : personne ne
rit plus.
Ecrit par Clément, le Jeudi 26 Juillet 2007, 16:28 dans la rubrique "aloons".
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