OREILLE MILITANTE
La force vitale d’un groupe d’hommes en révolte
a une présence matérielle sensible : elle est une actualisation de
l’énergie, engendrée par des milliers de différences distribuées et
imperceptibles. Cumulées, dans certaines conditions de saturation, ces
différences ponctuelles font masse hétérogène, explosive, identifiable.
Dans ces moments-là, tout se joue dans la couverture périphérique. Il
est obligé qu’une tension fortement enveloppée, contenue, retenue,
fasse, du point de vue thermique ou informationnel, avant explosion de
la paroi, bruit de fond et battement du terrain alentour. « Nous avons vu venir la crise »
écrit Claude T. dans un journal, après les événements violents du
Mirail (Toulouse, décembre 1998). Jean-Paul Fonvieille, lui, dit à
Clément qu’il l’a "entendue". C’est mieux. Disons qu’il
a perçu, à plat ventre sur le ballast, la tête sur le rail, transmis
par les roues d’un train qui approche, les frissons de l’acier. Ou
qu’il a reconnu, couché sur la dalle du Mirail, l’oreille collée au
béton, comme d’un troupeau qui s’ébranle, les vibrations du sol.
Oreille de militant, dont la sensibilité rappelle à Clément celle des
cow-boys de son enfance.
Ecrit par Clément, le Mercredi 25 Juillet 2007, 17:50 dans la rubrique "aloons".
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