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1 - INTRO : LA CHRONIQUE DU CHIEN ASSIS

--> Avant propos

Clément m’invite sur son blog. C’est un honneur dont je mesure l’importance. Non seulement il m’invite, mais encore il a passé du temps à me faire de la place, à arranger son espace d’écriture pour que je m’y sente bien. Je suis touché.

Ecrivant ceci, je repense à cette aventure que j’ai vécue, lors d’un séjour au Dahomey, petit pays en lanière de l’Afrique francophone, qui ne savait pas qu’il s’appellerait un jour le Bénin.

C’était à Cotonou, en 1970. Je rentrais dans la nuit, d’une soirée passée dans un bar à musique. Les rues étaient toutes les mêmes, sans éclairage, sans nom, sans revêtement, ou avec des restes de revêtement qu’on aurait pu penser maintenus en l’état pour quelque archéologue. La terre, qui jouait à l’asphalte, ondulait suivant des mouvements que les pieds avaient du mal à comprendre. Parfois, telles des rides de vieillesse, des rigoles sèches, empreintes de la saison des pluies, surgissaient sous les pieds, troublant comme par malice l’équilibre que la nuit rendait hésitant. J’étais sûr, en sortant du bar, d’avoir pris la bonne direction, l’enseigne lumineuse ôtait le doute. C’est après que ça s’était gâté. Conscient de ne pas savoir où j’étais, je marchais. A un moment, quelque chose, une lumière, une indication, me remettrait bien sur la voie. Quelle heure pouvait-il être ? Minuit, une heure, je n’en savais rien.

Un « bonsoir », qui venait de l’obscurité, me tira de mes pensées. La voix n’avait encore ni forme ni visage. Scrutant cette obscurité je distinguais une silhouette qui se précisait au fur et à mesure qu’elle s’approchait de moi. Un militaire, officier de par ses barrettes, s’arrêta et me demanda :

- Où allez-vous ?

Je lui indiquais l’adresse de la maison où j’étais logé, ajoutant :

- Je crois que je me suis perdu.

- Ce n’est pas un quartier pour vous, surtout à cette heure. C’est trop loin pour que je vous raccompagne. Venez avec moi.

Je le suivis. Au bout de quelques dizaines de mètres il frappa à la porte d’une maison. On entendit des bruits feutrés. Ça bougeait en silence derrière la porte. Une pierre qui roule, une charnière gémissant d’avoir à travailler à une telle heure, la porte s’ouvrit. Un gardien enveloppé dans une couverture en coton se tenait derrière. Passée la porte on foulait une cour qu’une bougie, collée à chaud sur une pierre, faisait trembler. Au centre une maison en banco. Massive en ses murs et élégante en ses proportions, elle semblait dormir, bien protégée par une magnifique porte traditionnelle. Mon guide ouvrit la porte, alluma un plafonnier famélique. Dans le coin gauche de cette pièce on apercevait un lit sur lequel dormait un homme à moitié recouvert d’un drap blanc. Il le réveilla, lui adressa la parole doucement, dans une langue que je ne connaissais pas. Un beau garçon, qui pouvait avoir dix huit ans, se leva, enleva les draps qui recouvraient le lit, et sortit de la pièce, les draps sous le bras. L’officier me dit :

- C’est mon fils, vous allez prendre son lit.

- Mais où va-t-il coucher ? Hasardais-je.

- Avec les employés.

Le garçon rentra dans la pièce, des draps pliés à la main. Il fit le lit. Son père me dit :

- Maintenant déshabillez vous et dormez. Demain je vous réveillerai de bonne heure pour vous emmener là où vous logez.

J’ai obéit.

Le lendemain mon hôte me réveillait vers 6 h. Son fils m’amena un verre de jus d’ananas. Je le remerciai et lui dit ma reconnaissance et ma gêne de lui avoir pris son lit. Les seuls mots prononcés par ce garçon furent :

- C’est normal.

C’était normal de se lever en pleine nuit et de laisser son lit au visiteur inattendu, après en avoir changé les draps.

La suite fut courte. Mon hôte avait une 2 CV. Il me ramena au bout de la rue où se trouvait la maison qui m’abritait. Lui comme moi gardions le silence, un silence tellement intense que même le moteur de la 2CV n’arrivait pas à le perturber. Je descendis, me retournais pour remercier, pour dire quelque chose. L’officier tendit le bras, le doigt pointé et me dit :

- C’est là-bas. La 2Cv démarra.

 

Aujourd’hui encore je regrette de ne savoir nommer ni mon hôte d’une nuit, ni son fils. J’éprouve encore de la gratitude pour cet homme et son fils qui m’ont fait une place, dans un geste, si simple et si fort qu’il en était d’une beauté absolue.

 

Voilà l’histoire d’une place. J‘en porte la marque heureuse.

Merci Clément de me faire une place.

 

Il me reste à honorer cette place. Je le ferai en alimentant la rubrique « chronique du chien assis ». Dans la maison de famille où, enfant, je passais l’intégralité des grandes vacances, ma chambre se trouvait au second. Elle était mansardée, et recevait la lumière par un chien assis, petite fenêtre qui avait eu l’audace de se mettre debout sur un toit en pente. Il constituait le point d’observation le plus haut de la maison. J’y ai passé des heures à observer, scruter le paysage, cherchant à distinguer ce qui aurait pu avoir valeur de signe.

 

Aujourd’hui, dans la confusion langagière que produit le mauvais vent de la communication, il faut identifier les signes. Les identifier et les rattacher aux mots qui leur conviennent. Il nous appartient de réunir le signe et le mot pour faire jaillir le vrai sens. Il faut débusquer la polysémie mensongère, les faux symboles, dont abusent les hommes de pouvoir, tels des joueurs de pipeau qui auraient troqué les notes pour du vocabulaire, afin de nous attirer là où il ne convient pas d’aller. C’est l’ambition de la chronique du chien assis. Je veux me mettre au point le plus élevé pour veiller et vous faire part de ce que j’ai perçu, aperçu et entendu.

A bientôt,

 

 Gregorio

Ecrit par Gregorio, le Vendredi 13 Juillet 2007, 13:32 dans la rubrique "aloons".