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3 - RACHIDA DATI, FAUX SYMBOLE ?

Rachida Dati, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, encaisse les premières attaques auxquelles doit s’attendre toute personne politique de premier plan. Dire si ces attaques sont justifiées ou non n’est pas mon propos. Dire, comme l’a fait sur France Inter Bernard Accoyer[1], nouveau président de l’Assemblée Nationale, pour défendre la ministre de la Justice, que la démission simultanée de trois membres importants de son cabinet, au nombre desquels se trouve le directeur, n’a rien d’une information, puis ajouter que c’est tous les jours que des membres de cabinet ministériels, y compris les directeurs, démissionnent mais qu’on n’en parle jamais, constitue une bêtise, en ce sens que c’est prendre les auditeurs pour des imbéciles. Tous les pompiers savent que les sauveteurs bénévoles, trop émotifs, arrosent partout sauf là où il faut. Gageons que le président de l’Assemblée Nationale va se faire à sa nouvelle fonction et qu’il apprendra à maîtriser son verbe. Il faudrait également pouvoir lui indiquer que les défenses brouillonnes et inopportunes valorisent l’attaque beaucoup plus qu’elles ne l’affaiblissent.

Pour ce qui concerne Rachida Dati, elle en conviendra elle-même, un gouvernement n’est pas un patronage ou une troupe d’éclaireurs. C’est un lieu d’exercice du pouvoir, où l’on impose sa façon de voir, ses méthodes à son entourage et des mesures au pays. Dans ses fonctions elle expose, impose et s’expose. Qu’en retour elle encaisse de vives attaques n’a rien d’anormal. Là n’est cependant pas, la raison de sa fragilité.

Ce disant, je ne voudrais pas donner à penser que je la soupçonne d’une quelconque fragilité psychique, elle donnerait plutôt une image contraire. C’est de la fragilité de sa situation qu’il s’agit. C’est le rôle que lui fait jouer le Président de la République qui le rend vulnérable. Tout le discours officiel qui s’est développé autour de sa nomination, et le président de l’Assemblée Nationale y contribuait ce jeudi 19 jiuillet 2007, les commentaires des journalistes politiques, en font l’objet de la politique présidentielle. Personne, et surtout pas ceux qui la soutiennent, ne l’ont présentée ou défendue pour ce qu’elle est, pour sa vision de l’univers judiciaire, pour la pensée politique qu’elle a développée sur la place de l’institution judiciaire, pour son approche de la peine et de la sanction, mais pour ce qu’elle représente. Elle est le choix du Président. Elle est à ce poste parce qu’elle est fille d’immigrés, parce qu’elle à réussi, parce que son appétit d’ascension, son culot, doublés des capacités pour y arriver, ont impressionné Sarkozy. Il a sans doute trouvé en elle beaucoup de ce qui le fait avancer depuis si longtemps. Elle symbolise les valeurs que proclame Sarkozy. Elle est son miroir. Elle siège dans ce gouvernement à titre de symbole. Elle se rendra compte que ce n’est pas facile d’être un symbole.

Un symbole c’est un objet, qui a un pouvoir de représentation, un pouvoir d’évocation, qui véhicule un signifié plus large, plus fort, plus complexe que le signifiant. Un signifié aux contours changeants, aux marches polysémiques. Décider d’un symbole c’est aussi stupide que croire que l’analyse grammaticale de l’expression « je t’aime » augmentera l’intensité du sentiment. Un symbole ouvre un espace de représentations et de suggestions propres à chacun mais reconnues pas tous, un véritable espace de convergence. Un comportement, une action dans laquelle un ou plusieurs symboles sont utilisés, devient un rite. C’est dans le rite que se partage la force des symboles. Pour avoir toute sa valeur, son pouvoir, un symbole doit être reconnu par une communauté, si ce n’est par la communauté. Le voile islamique est un symbole. La façon de le mettre, de le porter, de le mettre en avant devient un rite pour ceux qui l’utilisent, et c’est en tant que symbole qu’il est combattu. Si nos dirigeants avaient su affirmer que se présenter nu-tête à l’école constituait le rite symbolique de la laïcité, le voile n’aurait pas occupé tant de têtes. Le combat politique dont il a été l’objet, l’entente de tous les parlementaires pour voter cette loi contre le port du voile a constitué la reconnaissance officielle inespérée dont il avait besoin pour conquérir sa place de symbole majeur. Un symbole ne vit que par les regards, les pensées dont il est l’objet, par les représentations qu’il suscite et les paroles qu’il provoque. L’objet qui « vectorise » le symbole n’a pas de valeur par lui-même, il peut n’être qu’une pâle copie de son homologue, le vrai. C’est un mauvais clone qui a perdu la fonctionnalité de son modèle.

Et ce n’est pas tout ! Les symboles n’ont de force qu’à la condition expresse qu’ils soient rechargés, réinvestis, en permanence. C’est cela même la fonction des rites. Comme exposé ci-dessus, le symbole doit être reconnu comme tel par toutes et tous, et le chemin de cette reconnaissance passe par l’appropriation, l’interprétation et la profession par chacun de ceux qui en ont besoin et qui s’y réfèrent. N’allons pas comprendre qu’un symbole n’a de portée qu’enchâssée dans l’unanimité. Qu’un groupe suffisamment nombreux, une communauté par exemple, utilise un symbole valorisé par des rites, lesquels structurent des cérémonies vivantes et vivaces, suffit à projeter ce symbole bien au-delà de son aire d’existence. On peut dire que le symbole est l’instrument de méta-communication qui porte, « urbi et orbi », les signes d’appartenance, les croyances et les valeurs de ceux qui l’utilisent et le défendent. Objet nul, pouvoir évocateur fort mais éphémère, dépendant de cérémonies et rites, telle est la vie d’un symbole. Vous constaterez qu’il manque beaucoup de choses pour que madame Dati soit un vrai symbole. En politique de faux symboles, peu évocateurs, dont la vie ne tient qu’à un fil, doivent leur existence à la communauté des communicants. Ils ne servent qu’à faire accroire.

Si j’étais Rachida Dati je n’aimerais pas être le faux symbole choisi par Nicolas Sarkozy. Quant à moi, je voyais pour la France une vraie ministre de la Justice. J’ai un modèle en tête, il fit abolir la peine de mort. Culture, connaissance approfondie de l’institution judiciaire, expérience, largeur de vue, autonomie et singularité de la pensée politique, tels devraient être les critères de choix d’une ou d’un ministre de la Justice, mais il est vrai que le Président de la République nous a averti qu’il allait faire de la politique autrement !


[1] Bernard Accoyer fut l’invité du 7-9 de France Inter le 19 juillet 2007


Ecrit par Gregorio, le Mardi 24 Juillet 2007, 15:52 dans la rubrique "aloons".