Loin de son endroit, à l’époque des séminaires, invité par le souvenir,
Clément a fait naguère la rencontre sublime d’un maître vieilli dont le
chant était mélancolique. Sur fond de mélodie connue, ses mots
racontaient le drame crépusculaire d’un Delacroix inconsolé de n’avoir
pas réalisé toutes les potentialités de son être. Il disait que les
rêves de complétude ne sont que des épis du matin, qu’ils se dessèchent
au soleil de midi, et qu’il faut apprendre à les serrer dans le langage
avant la disgrâce du jour. Pareille à un fado dont le vibrato serait de
lumière, sa chanson lançait, pudiquement extraits d’une chemise en
papier bulle, des grains d’aurore. Chaque disciple, tablier en ombelle,
en recueillait sa part, religieusement, cependant qu’un ange noir,
assis dans la travée du fond, secouait ses ailes en souriant... Clément
le connaissait bien, ce Zekheriel, oiseau sombre, qui le suit souvent
dans ses déplacements, rappeleur méchant d’histoires oubliées. "Souviens-toi,
Clément, de ce bonhomme pâle qui te descendit un jour en flammes, voici
trente ans, parce que tu osas critiquer, dans ta thèse, Henri Wallon,
son maître à lui."